Deux dates et quatre images sur fond rouge

L’actualité a la mémoire courte. Ne remontons pas à trop loin. Disons hier.

1. Hier nous apprenions que le gouvernement du Québec et l’UdeM s’apprêtaient à investir 350 millions dans un nouveau campus à Outremont. En date d’hier, 26 mars, il ne s’était pas écoulé six jours depuis le dépôt du budget Bachand, et à peine quatre depuis la manifestation massive du 22. Mardi dernier dans son budget le ministre expliquait sans broncher qu’il n’avait pas d’argent pour les étudiants, et voilà que six jours plus tard il n’a aucun mal à en trouver pour du béton. (— Mais on bâtit, monsieur; c’est un investissement, voyez?)

Il y a eu là-dessus une conférence de presse, en catimini ont dit les journaux, en cachette se sont-ils retenus d’écrire. Ne nous retenons pas trop. Le lien entre la cachette et la conférence de presse n’est pas évident, et mérite qu’on s’y attarde un peu. Pourquoi en effet tenir une conférence de presse (s’adresser au public) si c’est en catimini (échapper au public)? Ah, il faut comprendre: ce n’est pas à cause du public, c’est à cause des étudiants. Ils perturbent l’ordre. La ministre de l’éducation l’a souvent dit, il faut que les étudiants manifestent dans le calme; elle dit aussi, chaque fois qu’ils manifestent dans le calme, que leurs manifestations n’auront absolument aucun effet sur elle. Et allez donc. L’ordre public est platement devenu cette passivité sociale dont les ministères ont besoin pour annoncer leurs décisions, qui pourront par la suite être relayées par la presse dans une sécurité médiatique idoine. Pas de dérangement, pas de tumulte. Une petite manchette, et on passe à la suite des choses: pelletée de terre, photo. On enterre qui?

La parole publique? Les étudiants parlent. Que font les ministres? Ils ne parlent plus, ils n’écoutent plus, ils obéissent en catimini aux intérêts non plus du collectif mais du pouvoir — prétendument devenus ceux de la nation, et toute riposte est perturbatrice, anti-économique, anti-sociale, irresponsable, antipatriotique, etc. Ainsi les étudiants,  économiquement et socialement irresponsables; ainsi les électeurs, dont les «voix» ne sont plus entendues, seulement calculées; ainsi les médias, qui ne servent plus de lien avec le public mais d’instrument de tranquillisation (on nous «rassure» sans cesse), et plus encore de séparation des publics. Ce que l’on continue de désigner comme les forces de l’ordre ne garantissent plus de la sorte aucun Sens, mais maintiennent par la force l’écart entre ce qui est formulé par le peuple et ce qui est entendu par ceux qui le dirigent. La grenade assourdissante rend sourd, en effet, mais pas ceux qu’on pense.

2. Ainsi l’ensemble de la représentation politique, qui n’est plus représentation des électeurs mais représentation auprès des électeurs d’intérêts qu’il vaut mieux ne pas dire et ne pas montrer. Le mot lobby vient du germanique laubia, qui signifie cloître. On ne saurait mieux dire.

3. Aujourd’hui, 27 mars, à 6.46 heures du matin, une toute petite nouvelle cachée dans le flot nous apprend que c’est à un lobbyiste du gaz de schiste que le PLQ vient de confier «l’élaboration des positions politiques et de la plateforme électorale de la formation», rien de moins (Philippe Teisceira-Lessard, Cyberpresse, rubrique «Actualités»). Après quoi «il n’exclut pas», précise l’article, «de revenir à ses anciennes amours». Tiens donc.

4. Le point de presse se tiendra à l’écart des manifestants, dans un puits de fracturation hydraulique, à 1500 mètres de profondeur.

René Lapierre, prof au carré

1 commentaire

Classé dans Actualités sous cape

Une réponse à “Deux dates et quatre images sur fond rouge

  1. Bärbel Reinke

    Aujourd’hui on parle d’améliorer l’accès au prêts et bourses, mais le 14 mars on trouve sur le site de l’aide aux études ceci :
    « Fin de la prise en compte des frais liés à l’achat de matériel informatique

    Prenez note qu’à compter de l’année d’attribution 2012-2013, il ne vous sera plus possible de présenter une demande pour que soient reconnus vos frais liés à l’achat de matériel informatique. »
    http://www.afe.gouv.qc.ca/